INTRODUCTION
Une étude de cohorte prospective (1), publiée en juin 2021 par Charles Milgrom et al. dans la revue Journal of Science and Medicine in Sport (JSAMS), s’est penchée sur la prise en charge des fractures de stress médiales du tibia (FSMT). Selon les auteurs, la douleur médiale du tibia est l'un des symptômes les plus courants chez les militaires et les sportifs. Aujourd’hui, le lien étroit entre le syndrome de stress tibial médial (SSTM) et la FSMT est bien connu. Il est donc essentiel d’établir un diagnostic précis pour adapter la prise en charge et réorienter les patients. Cette étude vise à évaluer les méthodes diagnostiques et thérapeutiques de la FSMT.
METHODE CONCERNANT LE DIAGNOSTIC
L’étude a inclus des recrues de l’infanterie d'élite des forces de défense israéliennes (n=429). Après un examen initial, les patients présentant une douleur médiale au niveau du tibia ont subi plusieurs tests diagnostiques :
1/ Test de palpation : le bord médial de chaque tibia a été palpé du proximal au distal, en appliquant une pression ferme du pouce. Si une douleur était signalée, les limites proximales et distales de la zone sensible ont été mesurées avec un mètre ruban
Une zone de palpation inférieure à 1/3 du tibia était considérée comme positive en faveur d’une FSMT.
2/ Test du fulcrum : l’examinateur a placé son genou contre la face latérale de la jambe du patient au milieu de la diaphyse du tibia et l’a utilisé comme point d’appui. En appliquant une force pour provoquer une tension sur le cortex tibial médial, le test était considéré comme positif en faveur d’une FSMT lorsqu’il reproduisait les symptômes du patient.
3/ Hop Test : le sujet devait sauter sur place aussi haut que possible, d’abord sur la jambe saine, puis sur la jambe symptomatique. Si une douleur tibiale était ressentie uniquement sur la jambe atteinte, le test était considéré comme positif en faveur d’une FSMT.
METHODE CONCERNANT LE TRAITEMENT
En cas de suspicion de FSMT, certains patients ont bénéficié directement d’une scintigraphie, d’autres non.
Concernant les patients avec scintigraphie : Ils ont suivi un protocole de gestion de la charge, d’une durée de 1 à 6 semaines, en fonction du grade de la lésion (1 à 4) identifié sur la scintigraphie.
Patients sans scintigraphie : Un protocole de gestion de la charge a été mis en place pendant 10 à 14 jours. Les patients étaient réévalués à l’issue de cette période. En cas de persistance des symptômes, une scintigraphie était réalisée et le protocole de traitement adapté en fonction des résultats.
RESULTATS CONCERNANT LE DIAGNOSTIC
Sur les 429 patients, 108 présentaient une douleur tibiale médiale, dont 105 étaient sensibles à la palpation. Parmi elles, 54 avaient une zone de palpation tibiale inférieure à 1/3 du tibia, accompagnée d’un fulcrum test ou d’un hop test positif. Au total, 31 scintigraphies ont été réalisées afin de confirmer ou d’infirmer une FSMT, soit immédiatement, soit après échec du traitement conservateur.
Les résultats des tests cliniques ont montré : une sensibilité du hop test de 100 % et une spécificité de 45 %. Concernant le fulcrum test : une sensibilité de 52 % et une spécificité de 70 %. L’étude a également révélé que les patients ayant une zone de sensibilité à la palpation < 10 cm présentaient une incidence statistiquement plus élevée de FSMT.
RESULTATS CONCERNANT LE TRAITEMENT
Les lésions de grade 1 (n=7) ont répondu de manière satisfaisante, avec une période de repos de 7 à 10 jours.
Pour les lésions de grade 2 (n=16), 7 ont estimé que le traitement initial était inadéquat, nécessitant une prolongation du repos.
Concernant les lésions de grade 3 (n=8) 4 ont pu reprendre l'entraînement après 4 semaines, tandis que les autres ont eu besoin de 7 à 14 jours supplémentaires.
Ces résultats confirment que le traitement doit être adapté au grade de la lésion, information qui ne peut être précisée que grâce à l’imagerie. Dans un contexte de soin standard, il parait alors important de faire réaliser de manière systématique un examen complémentaire en cas de suspicion de FSMT.
Ici, les auteurs ont choisi un protocole basé sur la gestion temporelle de la charge en fonction du grade d’atteinte afin d’évaluer la nécessité ou non d’une imagerie systématique. Le but ici n’était pas d’évaluer l’efficacité du traitement mis en place, des études supplémentaires seront nécessaire pour cela.
INTERPRETATION PERSONELLE POUR LA PRATIQUE CLINIQUE
En vue des résultats de cette étude, il semble essentiel d’intégrer le test de palpation, le fulcrum test ainsi que le hop test dans notre pratique clinique lors de la présence d’une douleur médiale du tibia afin d’orienter le diagnostic vers un SSTM ou une FSMT.
Si le test de palpation est négatif, une révision de notre diagnostic semble nécessaire.
Si le test de palpation est positif, il est important de mesurer la taille de la zone douloureuse. Si celle-ci est < 10 cm alors il faut réaliser le fulcrum test et le hop test. En cas de tests positifs, l’hypothèse d’une FSMT est alors avancée, il faudra réaliser un examen complémentaire au vu des mauvaises capacités d’inclusion des tests.
Si le test de palpation est positif, avec la taille de la zone douloureuse > 10 cm et que le fulcrum test et le hop test sont négatif, l’hypothèse d’un SSTM est alors avancée et celle d’une FSMT réfutée, l’examen complémentaire ne semble alors pas nécessaire en vue des bonnes capacités d’exclusion des tests.
Dans cette étude, les informations issues de l’histoire de la maladie du patient ainsi que de l’anamnèse ne sont pas présentées. Il parait important de garder cela à l’esprit afin de ne pas nous limiter aux tests cliniques dans notre processus de raisonnement clinique.
Rédaction : Loic David
BIBLIOGRAPHIE
1. Milgrom C, Zloczower E, Fleischmann C, Spitzer E, Landau R, Bader T, et al. Medial tibial stress fracture diagnosis and treatment guidelines. J Sci Med Sport. juin 2021;24(6):526‑30.
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